mercredi 8 décembre 2010

Un amour qui aurait pu naître au bord de la plage

"Les Noces" de Stravinsky, chorégraphie de Pascal Rioult.
"It's a losing proposition to wait around hoping for a dream lover to show up in our lives," écrivait le devin Rob Brezsny le 3 novembre dernier. "Il est illusoire d'attendre que l'amour idéal débarque un jour dans nos vies, car personne, jamais, ne peut correspondre à l'image idéalisée que nous véhiculons dans notre imagination. Cela dit, Taureaux, j'ai le plaisir de vous informer que les deux mois à venir se présentent favorablement pour la rencontre d'une beauté imparfaite et bénéfique." Quinze jours plus tard, je me trouvais à la Grande Canarie dans un café internet, échangeant des coups d'oeil complices avec un autre claviste à cause d'un incident rigolo qui se déroulait dans le local.

Complicité sans suite et vite oubliée... Sauf que, le lendemain, en arrivant sur la plage où quelques centaines de mecs étaient déjà installés, sans m'en rendre compte j'ai posé sac, bouquin et serviette de bain à ses pieds. Il m'a interpellé, nous avons évoqué l'incident de la veille, puis je suis allé nager. Plus tard, me demandant où avait disparu ma pomme, je me suis aperçu qu'elle était sur son ventre. Il l'a rapportée, nous l'avons partagée et il ne m'a plus quitté. Nous avons échangé nos curriculums en les soulignant de gestes de plus en plus caressants. Lui, Dirk, Néerlandais, beau jeune homme dans la soixantaine, terriblement attachant par son humour et sa virilité sans apprêt. Il paraissait aussi séduit que moi et l'exprimait clairement par la parole et le geste.

Sous le qualificatif de beauté imparfaite, je m'attendais à quelqu'un de moche ou de difficile. Dirk est un amour idéal qui a duré une heure merveilleuse. Veuf de son compagnon, il avait rencontré récemment un Italien avec lequel il espérait établir une relation durable. Dommage, a-t-il dit, parce que je pourrais t'aimer. Moi, pareil. Mais Dirk rentrait aux Pays-Bas le lendemain... Pendant une heure, je me suis senti désirant et désiré comme je l'étais à 25 ans et que je me foutais bien des gens qui pouvaient nous voir échanger des caresses et des baisers.

Puis nous sommes redevenus des adultes, heureux de ce cadeau. Nous nous sommes dit adieu, au lieu de voler quelques heures à la nuit qui auraient terni l'éclat de l'instant. Et je suis heureux d'avoir pu tester ma capacité à fondre encore, avec un homme parfait rencontré à un moment imparfait. Dans ses Lettres à Lucilius, Sénèque qui rédigeait les discours de l'empereur Néron, écrit au sujet de la vieillesse: "Elle est pleine de douceurs pour qui sait en user. Les fruits ont plus de saveur lorsqu'ils commencent à se flétrir; l’enfance n’a tout son éclat qu’au moment où elle finit; pour les buveurs, la dernière rasade est la bonne, c’est le coup de l'étrier qui rend l’ivresse parfaite. Ce qu’a de plus piquant toute volupté, elle le garde pour l’instant final. Le grand charme de la vie est à son déclin, je ne dis pas au bord de la tombe, bien que, même sur l’extrême limite, elle ait à mon gré ses plaisirs."

André

2 commentaires:

Kevin a dit…

Ah, l'amour d'un été ou seulement d'un instant au bord de l'océan atlantique...et André reste serein et presque illuminé... quelle victoire sur le destin. Le récit me réchauffe le coeur

Jospin a dit…

Plein de rencontres imprévues entre un astrologue extra-ordinaire, Stravinsky, le blogueur et son amant virtuel et enfin le vieux Sénèque. Au carrefour magique du net.