mercredi 1 décembre 2010

Dans les dunes de la Grande Canarie

Oeuvre provisoire, exposée à la marée
Colonisée par les Nordiques, Allemands en tête, la Grande Canarie se situe à 28 degrés au-dessus de l'Équateur, au large du Maroc. Sa conquête s'est déroulée comme le blitzkrieg de 1940 en France: les indigènes n'étaient pas suffisamment armés. Mais à la différence des Français, ils sourient aujourd'hui, apprennent les langues; et leurs taxis sont neufs, propres, accueillants. Au volant, ils respectent les passages protégés. À Playa del Inglés, le touriste est roi, même à table puisqu'on lui sert ce qu'il a l'habitude de consommer afin qu'ils ne se languisse point de sa malbouffe habituelle. Il y a des cliniques à tous les coins de rues, entre un pub irlandais et un restaurant viet; elles sont ouvertes 24 heures sur 24, on vous accueille en allemand.

Autre différence majeure d'avec 1940: les indigènes n'ont pas été déportés. Au contraire, on en importe en masse pour faire fonctionner l'industrie touristique. Et personne n'est interné: même les hétéros circulent librement de leur appartement loué à la charcuterie bavaroise, du café Wien à la brasserie norvégienne. Étant donné leur embonpoint stupéfiant, ils ont l'air beaucoup plus nombreux que les gay qui observent leurs moeurs grincheuses avec amusement. Il faut dire que les hétéros sont vieux et s'emmerdent en compagnie d'autres hétéros. C'est pourquoi ils font du shopping, du golf, et s'alcoolisent dès le matin. Lorsqu'ils longent la plage, c'est à marche forcée comme s'ils se rendaient au travail. Devant le buffet gargantuesque de leur hôtel, ils ne se départissent pas de leur gueule de stakhanovistes, tout en empilant des victuailles pour trois jours sur leur assiette dont ils abandonneront le tiers.


Entre Playa del Inglés et Maspalomas, la plage s'étend sur 6 km de sable blond mêlé de sable noir volcanique qui se sépare du blond dès qu'une vague l'étrille. La moitié est attribuée aux baigneurs textile, l'autre aux trop pauvres pour s'en payer. Les promeneurs passent d'un secteur à l'autre sans baisser la culotte ni sourire; les bonnes femmes tirent leur gros cul comme une charrette remplie de boutefas, les bonshommes sont enceints de triplés, voire plus, et ne vont pas les perdre comme la négligente Céline Dion. Ils avancent tel un cortège de fourmis et jamais ne s'écartent de leur piste pour jouer au volley avec les naturistes allemands, splendides dans leur élan, ou s'installer parmi les centaines et centaines d'hommes gay groupés par couples et petites équipes dans le sable, ou affalés sur des transats auteur de la buvette qui porte les couleurs de la corporation.

Derrière la plage: l'immensité des dunes où vagabondent les sportifs et les couples migrateurs qui s'installent sous les cocotiers, derrière les broussailles. De petits perroquets gazouillent dans les branches. On rencontre de vrais lézards, longs et colorés, et aussi de belles triques, mais rarement des serpents.

André

2 commentaires:

Francis a dit…

On pourrait classer le gisant de sable dans la catégorie de l'Arte Povera des années 1970 qui défiait la culture bourgeoise de la société de consommation. Quoique... Un mec bien gaulé, surtout dans le contexte de cette plage, est un appel pressant à la consommation.

Orion a dit…

j'adore la photo du mec en sable, drôle et sexy