jeudi 31 décembre 2009

Avis de gros temps pour 2010


Maintenant que nous sommes rassurés -- les minarets ne vont pas dépareiller l'esthétique recherchée des banlieues suisses --, l'élite artistique et intellectuelle des partis évangélique et "démocratique" du centre va pouvoir s'attaquer à la préservation d'autres valeurs claniques. Au lieu de surveiller les banquiers qui ont déjà repris leurs habitudes, elle pourrait s'attaquer à la burqa et au voile des femmes musulmanes -- les rares du moins qui en portent. Car c'est la rareté qui attise le scandale. [Il est vrai que lorsque je vois dans mon quartier cette femme en burqa, grillage sur les yeux, amener ses deux fils au cours de judo dans la Mercedes qu'elle conduit elle-même, j'esquisse un mouvement d'étonnement.] Mais à contempler d'autre part l'élégance de la femme "voilée" ci-contre, j'aimerais rencontrer de pareils sourires à tous les coins de rue; elle me semble presque aussi civilisée que les gamines indigènes qui arborent un anneau planté dans le nombril, un autre dans le naseau.
Photo: The Sartorialist.
Si elles veulent sincèrement préserver les "valeurs familiales", nos élites populistes devraient aussi mettre de l'ordre dans les stades; c'est plus important que de se soucier, par exemple, de l'état plutôt lamentable de l'enseignement des langues et de la culture générale en ce pays. Car au cour des matchs, on assiste régulièrement à des manifestations de chochotterie entre des hommes qui devraient représenter l'élite virile. Et je te serre dans mes bras parce que tu en a mis un, et je te fais la bise humide en plein museau. Comment voulez-vous que notre belle jeunesse perpétue la tradition chrétienne avec de pareils exemples? Elle va renoncer à l'homophobie! Étape suivante, elle exigera le mariage à l'essai, avec cortège à l'église ou la mosquée, fête somptueuse et floppée de cadeaux...

Suite à la tentative d'attentat du jeune Nigérian dans un avion à destination des Etats-Unis, on peut s'attendre à voler désormais en petite tenue, après passage au scanner corporel et inspection intérieure du caleçon. Là, point de souci pour notre majorité populiste, le Renseignement américain (qui s'est de nouveau montré inopérant, malgré les informations qu'il avait reçues) va s'occuper de renforcer les mesures inutiles.

Jusqu'où va la liberté de supprimer des libertés? C'est ce qu'établira 2010 si nous ne nous réveillons pas.

Ulysse

lundi 28 décembre 2009

La bijouterie de famille et ses avantages


Nikias, l'orfèvre qui a dessiné les anneaux figurant sur cette page, nous rappelle que la roue a été inventée à partir d'un objet qui devait servir de collier. Le bijou, dit-il, est un moyen d'expression artistique en usage dès les origines de l'humanité. "L'acte d'orner notre propre corps nourrit notre âme et nous aide à exprimer des désirs profonds, communs à tous les humains." De plus, si un métal comme l'argent est utilisé, l'énergie dont il est chargé se mêle à celle du porteur.
Torque (bracelet ouvert) dans le style antique des princes grecs et celtes.
Ornement exclusivement masculin, l'anneau de queue (cock ring) se place, suivant sa circonférence: derrière les couilles, sur la bite elle-même, voire juste derrière le gland, ou au sommet des couilles. Considéré comme pièce de résistance tant par les mecs hétéros que gays, l'anneau présente de nombreux avantages: 1) il prolonge l'érection en bloquant partiellement le reflux du sang; 2) il amplifie le gonflement des veines et du gland; 3) il accroît l'excitation et le plaisir durant l'orgasme; 4) c'est un stimulant visuel... 5) et sensuel car il attire l'attention du porteur (vêtu ou non) sur son propre sexe. 6) Porté sous un caleçon ample, l'anneau rassemble les bijoux de famille et les met en avant. 7) Lorsque je suis bridé par mon cock ring en cuivre, je perçois dans ma bite (en érection) des battements de rythme plus lent que la fréquence cardiaque, ils correspondent au tempo de reflux du sang.

Contrôle de l'éjaculation, avec anneau et pression sur le périnée.
Il existe des anneaux de compositions variées, du métal au cuir, en passant par des matières plus élastiques. Les uns sont clos, d'autres munis d'une fermeture. Certains vibrent pour stimuler le clitoris, les couilles ou le périnée. D'aucuns bénéficient d'un design noble, comme ceux que Nikias a dessinés, avec bague et bracelet assortis, pour Esculpta à Athènes et Londres.
Anneau réglable en caoutchouc, décoré de figurines en argent.
Mais avant d'acheter une pièce de valeur, il faut essayer des anneaux premier prix de différentes circonférences pour trouver la taille adéquate, au repos comme en érection. Un diamètre trop large au repos: le bijou tombe du pantalon, oups! Trop étroit pendant l'érection et on ne débande plus. Dans ce cas: douche glacée; si cela ne suffit pas, direction les urgences (ils en ont vu d'autres) très très rapidement. Risques: hypoxie des tissus (manque d'oxygène), nécrose, gangrène (voir la photo: gangrène du pénis par strangulation métallique, via Google). L'anneau se porte une à trois heures, on l'enlève sans faute avant de s'endormir. Il est déconseillé aux diabétiques et aux hommes souffrant de problèmes cardio-vasculaires. Et il ne remplace pas la capote!!!

Ulysse

vendredi 25 décembre 2009

Les fils fouettés, égorgés ou crucifiés


A
près les fêtes de familles décomposées [mardi], observons l'ambivalence des relations entre père et fils en ce jour où "un Fils nous est donné". Le quotidien Le Temps évoquait hier la figure de "Joseph, père moderne", un cocu non possessif de son épouse ni de son fils adoptif. Les mythes qui circulent
en décembre sont maniables à souhait. Le pape entouré d'or et de collections d'art se penche sur l'humilité de la crèche. Les psy glosent sur les pères de substitution. Les commerçants magnifient l'art du don.

Le Caravage:
Abraham levant le bras pour tuer son fils.
Décembre, c'est le
mois des petits et des grands garçons fouettés, égorgés, crucifiés; à moins qu'ils aient été obéissants -- le type même de l'autopunition... Résumons. Dieu n'a pas le temps d'inséminer personnellement la vierge qu'Il a choisie pour porter Son Fils. Plus tard, afin de concrétiser le plan d'extension de Son entreprise, il envoie ce fils au casse-pipe. Succès marketing: Dieu ouvre de multiples succursales et déplace le siège de Jérusalem à Constantinople pour l'Asie mineure, en ouvre un deuxième à Rome... Nicolas, évêque de Myre [près de l'actuelle Antalya en Turquie] au IVe siècle, produit aussi des miracles, comme celui de ressusciter trois bambins qu'un boucher avait égorgés, découpés et mis au saloir. Selon la tradition, le père Fouettard (Pierre le noir au Nord, Schmutzli en Suisse) qui accompagne fidèlement saint Nicolas serait en fait le boucher mécréant. Ils se répartissent les rôles, l'un cajole, l'autre fouette...

A ces histoires gore se mêlent chez nous les traditions païennes des lutins nordiques qui récompensent ou châtient les humains au solstice d'hiver; ils ressemblent à des nains de jardin avec barbe blanche et bonnet rouge. Santa Claus a emprunté leur
déguisement pour conduire le camion de livraison de Caca-kola à travers les tempêtes de neige.

Le récit du père égorgeur traverse les trois religions du Livre. Dieu décide de mettre à l'épreuve le patriarche Abrahâm / le prophète Ibrahim. Il lui ordonne de sacrifier son fils Is'hac qu'il a eu de son épouse Sara / son fils Ishma'él qu'il a eu de sa concubine Agar. Arrivé au sommet de la colline, le fils demande: "Père, voici le bois, voici le feu, où est l'agneau du sacrifice?" Le vieux répond: "Dieu y pourvoira", ligote le petit et saisit le coutelas. Le portable d'Abrahâm/Ibrahim sonne à cet instant: "Allo?", "Oui c'est Moi, Je sais maintenant que ton coeur frémit pour Moi; regarde devant toi et remplace ton fils par le bélier que j'ai attaché au buisson". Ils ont les boules, les fils.

Ulysse

mardi 22 décembre 2009

Le fabuleux Noël des familles décomposées


L
e Père Noël porte les chaussures de papa; les vôtres restent vides: pas cirées; cantiques dans les ascenseurs; paix sur la terre et prix promotionnels; l'immenculée conception livrée dans une bulle le 8 décembre 1854, (déjà, le pape évitait la capote); naissance rétroactive le 25 décembre 0000. A quel sein se vouer? Heureusement que les journaux nous offrent des recettes de bonheur. Petit rattrapage.
Le Père Noël est un pédophile.
Migros Magazine: "On refait la famille à Noël, on la reconstruit. On renouvelle l'idée que l'on se fabrique de la famille. Même les couples divorcés s'arrangent, souvent, pour fêter ensemble quand les enfants sont petits. J'ai rencontré une jeune femme qui m'expliquait que cette année, elle devrait se rendre à cinq réveillons, entre l'ancienne famille et la nouvelle. De nombreuses personnes sont déprimées non seulement parce qu'elles sont seules, mais surtout parce que leur image de la famille en correspond plus. Par contre, il y a très peu de suicides à cette époque." Comme durant la guerre.

Coopération, "Créer un imaginaire apaisant": "...dès que l'on sent monter la moutarde, pensons à tourner les yeux vers la crèche plutôt que de balancer notre verre par-dessus la table. La crèche stimule positivement notre imagination..."
Photo: Unzipped.
Migros Magazine, Nadine de Rothschild: "Le charme des familles recomposées? Je continue à le chercher. [...] Qui êtes-vous d'ailleurs pour eux? Mamie 2, grand-maman 3? [...] Heureusement, votre dernier fils n'est pas encore marié. D'ailleurs, il ne le souhaite pas. Un souci de moins pensiez-vous. Que nenni! Voilà qu'il vient de vous annoncer qu'il profiterait de cette belle réunion de famille pour vous présenter officiellement son copain... Vous avez gardé le self-control qui vous caractérise et pensé intérieurement: 'Au moins, je n'aurai pas de problème avec leurs petits-enfants!' Mais rien n'est moins sûr..."

Ulysse

lundi 21 décembre 2009

Ryan a sauvé le soldat Ben


C'
est probablement une opération de communication orchestrée par l'Armée britannique, mais lorsque la "grande muette" parle, on écoute et on déchiffre. Il y a dix jours, le quotidien Daily Mail a présenté le témoignage du soldat Ben Rakestrow qui venait de passer six mois en Afghanistan. Non pour parler du terrible conflit là-bas, mais d'une lueur de paix qui brille dans la guerre que mènent les hétéros [une espèce de Talibans qui a submergé l'Occident depuis 2009 ans, date anniversaire: vendredi prochain] contre les homos.

Avant de monter au front en Afghanistan, le soldat Ben Rakestrow avait décidé de sortir du placard pendant son entraînement, l'an dernier en Grande-Bretagne. "J'étais allé en boîte et, le lendemain, les gars m'ont demandé si j'avais eu de la chance. J'ai répondu: 'Son nom, c'est Ryan'. J'ai vu l'étonnement sur leurs visages, puis ils ont pensé que c'était une blague. Ils avaient de la peine à le croire." Rake
strow précise que ses collègues l'ont bien accepté et traité comme un égal. "C'est la décision la meilleure que j'aie prise jusqu'ici dans ma vie. Bien sûr, ils me chambrent. Mais c'est pas méchant. Ils veulent savoir plein de choses sur ma vie. Et je n'ai pas de peine à leur répondre."

Rakestrow affirme qu'il n'aura jamais une relation avec un autre soldat: "Je ne voudrais pas que ma vie privée interfère avec ma vie professionnelle." En 1999, 298 personnes avaient été renvoyées de l'armée et de la navale britanniques pour cause d'homosexualité. En 2000, une lesbienne et trois gays qui avaient été congédiés sont allés en justice et ont gagné leur procès, obtenant une réhabilitation. Et l'interdiction de s'enrôler faite aux homosexuel/le/s est tombée. Au printemps 2009, sir Richard qui était alors le général Richard Danaatt, chef de l'Armée, a tenu un discours devant un auditoire LGBT -- lesbien-gay-bisexuel-trans!

Camp Bastion, Afghanistan: la couette

du soldat Ben fait marrer ses camarades.

L'horreur, c'est que l'armée a besoin de volontaires pour poursuivre ses guerres déshonorantes. Le point positif: cela l'a obligée a réviser son jugement sur les lesbiennes et les gays, qui ne détruisent ni le mariage (les hétéros s'en chargent) ni l'armée (hélas!). Le fait qu'un segment de la société aussi macho reconnaisse le droit à l'égalité de traitement devrait faire avancer cette cause auprès des petits machos de la vie civile. Et aider les ados gays à se considérer comme des mecs à part entière.

Ulysse

lundi 14 décembre 2009

Le Nikeur le mieux payé au monde vous dit: "Just do me!"


En faisant ma ronde des journaux et des blogues sur la toile ce matin, je suis tombé sur une photo de Tiger Woods. Je n'avais jamais fait attention à lui. Son sourire adolescent m'a frappé... Alors que la liste de ses maîtresses présumées s'allonge; alors que les chaînes de télévision qui transmettaient ses matches craignent de perdre la moitié de leur audience (et des revenus de publicité), je découvre que le champion gagne cent millions de dollars par an dont les trois quarts proviennent de ses souteneurs. Notamment Nike ("Just Do It" ou bien Do Me ?); Gillette, chez qui Federer
fait aussi la pute, ("La perfection au masculin"); Accenture, conseil en entreprise qui met un terme au contrat, ("Go On, Be a Tiger" où ça, au lit ?).

Marié à une Barbie.
Or ce garç
on modèle -- façonné comme un robot de la compétition dès l'enfance, retravaillé par la pub et la com dès les premiers succès -- mène une vie parallèle cachée. L'Amérique entière réagit comme une épouse bafouée. Nom de Dieu! Ce petit mec si propre sur lui, ce métis adorable, qui s'impose dans un sport blanc et élitaire, serait donc un obsédé du cul... J'aime répéter que nomen est omen: le nom présage du caractère. Tiger comme tigre, Woods comme forêts, mais aussi comme to wood battre à plates coutures, mais aussi comme to have a woodie avoir le gourdin. A propos, n'est-ce pas la baguette magique et phallique de Tiger Woods, son club de golfe qui fascine tellement le public (cette entité femelle, captive, passive), les hommes et les femmes? Cette bite dressée et les bourses pleines de milliards qui l'accompagnent sont de puissants leviers dans l'adoration et la tourmente des êtres. Et lorsqu'ils sont aussi bigots et faux cul que les Américains, il ne reste plus à la victime des indiscrétions qu'à s'excuser publiquement et promettre de devenir une meilleure personne. Pour avoir le droit de reprendre sa carrière!

Une de ses maîtresse présumées.
A contempler les photos de ce parangon de virilit
é et de ses filles publiques, je me pose une question. Dans mon milieu, on dirait de ce jeune homme prolongé qu'il est trop mignon, un vrai biquet. Alors, ces filles sans lendemain: un médicament contre le stress des champions? une addiction? ou une couverture? Cette quête don juanesque compulsive, une manière de se cacher à lui-même et aux autres sa vraie nature -- ou une partie de sa nature? Ce n'est pas que je cherche à l'accueillir dans mon cercle, aux biquets je préfère les boucs.

Ulysse

vendredi 11 décembre 2009

La face cachée des fesses n'a pas été révélée


"Et mes fesses, tu les aimes, mes fesses?", la voix geignarde de Brigitte Bardot dans Le Mépris (du cinéaste rollois) résume la portée du documentaire qu'Arte diffusait hier soir, se félicitant d'un record d'audience en France. Intitulé La face cachée des fesses, il n'a rien dévoilé, s'est contenté de passer en revue les connaissances artistico-littéraires des expert/e/s convoqués, avec un pincée de psy-psy. La France n'a plus rien inventé depuis le cul plaignard de Bardot; comme le Créateur après l'Éden qui "vit que cela était très bon" et "chôma après tout l'ouvrage qu'il avait fait" (Genèse 2.2).

Nous avons vu des fesses féminines magnifiées par les arts et la rue (les hauts talons apportent un supplément de cambrure) et de beaux culs mâles, mis en valeur dans la peinture, la sculpture antique ou moderne, les jeans et la photographie. Durant l'antiquité, les sculpteurs trouvaient leur inspiration au gymnase où les jeunes athlètes s'entraînaient nus, frictionnés d'huile d'olive vierge. Aujourd'hui, c'est au stade que l'on observe
les culs les plus bombés. Si le public mixte des musées ne ressent aucune gêne à contempler les admirables fessiers de la peinture flamande (qui allient l'art au lard), les mâles ressentent en revanche un léger embarras à examiner des fesses masculines, car le soupçon funeste de sodomie flotte autour de ces globes musculeux.

Photographie d'Auguste Belloc, vers 1853.
Pourtant... Statistiquement parlant, la majorité des culs soumis à la jouissance (ou au devoir conjugal) de la sodomie appartiennent à des femmes, honorées
lors d'une relation hétérosexuelle. Le trou du cul a toujours été la pilule du catholique, du musulman et du pauvre -- et le plaisir de l'hédoniste. Les gays ne font pas le nombre à côté des masses hétéros enculeuses et enculées.
Photo de David Vance, tirée de Heavenly Bodies.
Le mot fesse vient du latin fissa, la fente. Hier, le docu La fasse cachée des fesses est resté en surface. Ah, si les auteurs du film avaient été des Allemands! On ne se serait pas contenté de Jean-Pierre Marielle exprimant son émerveillement en caressant une belle paire bien laiteuse. On aurait creusé le sujet. On leur aurait demandé, à ces fesses, pourquoi elles cachent ce qu'elles cachent. Elles auraient révélé la formule magique, leur "Sésame, ouvre-toi". On aurait exploré leurs humeurs intérieures, les peurs qu'elles nous inspirent, les frémissements et les gémissements qu'elles nous soutirent. On aurait évoqué les énergies qu'elles savent puiser symboliquement dans notre Mère-Terre, et comment nous pouvons en jouir, nous en nourrir et en tirer élévation...

Ulysse

mercredi 9 décembre 2009

Honte sexuelle et honte sociale


Dans un commentaire en réponse à La honte de faire souffrir ma famille (28 nov. dernier), Serge raconte comment il s'est libéré des masques qui le protégeaient. "Avant de sortir du placard, j'avais constamment peur qu'on découvre ma vraie nature. Mon entourage familial et scolaire utilisait les injures les plus dégradantes pour condamner les types qui ne rentraient pas dans ses normes. Ceux qui préféraient les livres aux soûleries, les sports individuels aux collectifs. J'essayais de me couler dans leur moule sans y parvenir.
La honte, le masque, la solitude.
"Un jour j'ai craqué. Une douzaine de mecs me gueulaient dessus "tantouze" dans la cour de l'école. Tout le monde l'entendait. Ils me bourraient de coups sans que personne vienne à ma défense. Points de suture: on répare facilement la peau. Dépression: guérison plus longue. Une thérapeute m'a aidé à franchir le pas. D'abord devant ma famille, qu'elle avait terrorisée en menaçant de les dénoncer si je faisais une autre tentative. Puis à la direction de l'école en répétant ses menaces. Cela a fonctionné. Elle m'a appris à me débarrasser, l'un après l'autre, des masques que je m'étais fabriqués. A mon étonnement, ceux qui étaient les plus hostiles auparavant m'ont expliqué que 'tantouze' qu'ils me criaient ne voulait pas dire que j'étais pédé et qu'ils trouvaient que j'avais "beaucoup de couilles" à me déclarer ouvertement homo. À ma place, ils se seraient flingués... J'avais 15 ans. J'en ai 23 aujourd'hui. Quand je pense à cette période, cela me fait horriblement mal. Mais j'ai fait l'expérience d'une bataille gagnée."

Dans Retour à Reims (paru en septembre chez Fayard), le sociologue et philosophe Didier Eribon, prof à la fac d'Amiens, décrit comment, dès l'adolescence, il a pris une grande distance par rapport au milieu ouvrier dans lequel il avait grandi. Et que lorsqu'il s'est agi d'écrire [par ex. Réflexions sur la question gay, 1999], il a choisi d'analyser l'oppression sexuelle plutôt que la domination sociale. Car, dit-il, il lui fut plus facile de se pencher "sur la honte sexuelle que sur la honte sociale".

"Dans ma vie,
en suivant le parcours typique du gay qui va vers la ville, s'inscrit dans de nouveaux réseaux de sociabilité, fait l'apprentissage de lui-même comme gay en découvrant le monde gay et en s'inventant comme gay à partir de cette découverte, j'ai en même temps suivi un autre parcours, social cette fois: l'itinéraire de ceux que l'on désigne habituellement comme des 'transfuges de classe'. Et je fus, à n'en pas douter, un 'transfuge' dont le souci, plus ou moins permanent et plus ou moins conscient, aura été de mettre à distance sa classe d'origine, d'échapper au milieu social de son enfance et de son adolescence."

J'ai commencé la lecture de Retour à Reims hier soir, c'est passionnant.


Ulysse

samedi 5 décembre 2009

Les gay mettent Obama face à ses promesses militaires


Ces Marines passent la nuit en plein air
dans les trous qu'ils ont creusés.
Afghanistan, province d'Helmand, juillet 2009.
Le président des Etats-Unis a donc décidé d'envoyer 30'000 soldates et soldats de plus en Afghanistan. Son plan serait d'amener les factions en guerre les unes contre les autres à négocier un compromis qui isolerait Al-Quaïda; puis de retirer graduellement les troupes états-uniennes. Son entourage le contredit sur la conduite du projet. Selon la presse qui était favorable à Obama, l'équivoque et la procrastination règnent à la Maison-Blanche et mettent ses défenseurs en ébullition.

Sur son dos, les noms des camarades tombés.
Parmi eux, des activistes gay. Ils ont décidé d'appeler les LGBT à ne plus soutenir financièrement le Parti démocrate, ni la prochaine Campagne électorale du président, tant que les promesses d'avant l'élection ne seront pas appliquées. Entre autres: Obama a ajourné son engagement d'abroger le Don't Ask, Don't Tell discriminatoire qui menace le personnel militaire gay de renvoi dès que l'orientation sexuelle est connue. Il faudra attendre la fin des hostilités en Irak et en Afghanistan. Obama soigne son opposition... En moyenne, deux soldats sont congédiés quotidiennement pour "manquement à l'honneur". Si le boycott gay est suivi, la différence financière sera importante.
Casques, armes et bottes de deux Marines
après la cérémonie du souvenir
. Sud de l'Afghanistan, avril 2008.
Aucun soldat ne revient intact de la guerre. Son cadavre est ramené dans un sac. Blessé, il est transporté sur une civière. Et s'il est rapatrié ingambe, il porte en lui la charge de ce qu'il a vécu. L'ignorance des débuts, les choix effroyables, la culpabilité collective et personnelle, l'impuissance devant les événements... Ces gars qui offrent leur chair et leur conscience au grand corps aveugle de l'armée (ils n'ont pas d'autre choix professionnel), que reçoivent-ils en retour?
-- Depuis sept ans, le photographe David Guttenfelder (A.P.) a enregistré la dévastation ininterrompue de l'Afghanistan. Trois photos en témoignage.

Ulysse

mercredi 2 décembre 2009

"Les Boules du désir" (Der Pimmel über Berlin)

Le raide-en-chef de Bild.
En allemand le film de Wim Wenders s'appelle Der Himmel über Berlin (= Le ciel au-dessus de Berlin), en français Les Ailes du désir (1987). Depuis quelques jours, les médias d'outre-Rhin font leurs choux gras d'une guéguerre entre deux quotidiens et titrent finement: "Der Pimmel über Berlin" (= Le zizi au-dessus Berlin)... Au commencement, il y a un gros titre du quotidien de boulevard Bild (le plus grand tirage du pays) clamant que plus de 65% des mecs croient qu'ils ont un pénis trop court. C'est le 14 novembre 2002. [Depuis lors, je lis le Bild avec angoisse.] La taz (Die Tageszeitung), quotidien de gauche berlinois très estimé, décide de charrier Bild qui déverse des tonnes de people et de cul sur ses chers lecteurs. La taz annonce que le réd-en-chef de Bild se trouve en clinique à Miami où il se serait fait allonger la bite. C'est une pure invention de la rédaction, mais qui porte son lot de symbole.
L'artiste l'a intitulé "Que la paix soit avec toi".
Un procès s'ensuit. Le jugement de Salomon tombe en 2004: la taz ne devra plus jamais rapporter ce mensonge, mais le Bild ne recevra pas le dédommagement réclamé de 30'000€. Vive l'Allemagne! Cinq ans plus tard, le sculpteur Peter Lenk [cliquez pour voir d'autres oeuvres qui ont suscité la polémique!] entre en scène avec un bas-relief géant sur la façade de la taz, bien en vue de la rue Rudi-Dutschke où se trouve le siège de l'éditeur Springer, propriétaire de Bild. Qu'ajouter aux photos si ce n'est que: 1) le couillu personnage a bien la tête du réd-en-chef de Bild, pour les attributs, j'sais pas; 2) la bite s'élève à près de 16 mètres et se termine par une tête de cobra; 3) des gros titres de Bild sont également illustrés sur la façade, comme "Viagra boomt (= prospère) in Krise" (12.2.2009) ou "Émasculé par le basset de sa belle-mère".
Charles à poil; Ernst-August (Hanovre-Monaco),
surnommé le prince Pipi.

Le plus drôle est pour la fin. Lors de l'élection du pape Jojo, Bild avait titré: "Wir sind Papst" (= Nous sommes pape). Eh bien! une fausse page Une de la taz est sortie l'autre jour, avec ce titre: "Wir sind Schwanz" (= Nous sommes queue)... On en a finalement découvert l'auteur: Kai Diekmann, le raide-en-chef de Bild. Chapeau! Mais la taz est un journal à l'orientation féministe appuyée, dirigé par une réd-en-chef qui n'apprécie pas la vulgarité du bas-relief. Plusieurs de ses rédactrices sont de mauvaise humeur parce qu'elles doivent travailler à l'ombre d'un phallus. Et nous, on voit des nichons partout dans les journaux et le long des rues. Est-ce qu'on s'en plaint? Il paraît qu'on devrait.

Ulysse